CONDAMNÉ À MORT

CONDAMNÉ À MORT

Vendredi-Saint 21 mars 2008, donné à Eclépens

Lecture : 2 Corinthiens 5, 18-20

1. La grande simplification

J’ai commencé ce culte en rappelant que la peine de mort était encore appliquée de nombreux pays. Condamner à mort – une coutume vieille comme l’humanité – c’est croire à la grande simplification : quand on tue le coupable, on élimine le mal. Le mal part avec la victime, pense-t-on, comme si ce mal avait partie liée avec elle. On fait comme si le mal n’était pas distribué largement chez tous les hommes. Le philosophe Pierre Girard a mis ce mécanisme en lumière : quand une société se débarrasse d’un homme qu’elle considère comme coupable, elle a l’impression de s’être déchargée du mal. Elle a le sentiment d’avoir conjuré une menace, comme si tout le mal s’était concentré sur ce coupable. Les gens se sentent soulagés de leur angoisse et de leur propre culpabilité, quand ils se sont retournés contre un autre. Ils respirent.

2. Un contre-jugement

Mais les Évangiles racontent la condamnation de Jésus comme celle d’un innocent. Un innocent qui se tait pendant son procès et qui consent à la sentence. Un innocent qui accepte de prendre sur lui le mal des hommes pour qu’ils en soient délivrés. Les Évangiles ne voient pas la mort de Jésus comme une simple erreur judiciaire, mais comme un don et une œuvre de Dieu : un contre-jugement ! Les hommes ont cru condamner, mais Dieu, par Jésus, a réconcilié ! Il a rendu effective, mais d’une toute autre manière, la grande simplification.

3. Réconciliation

Nous sommes au bénéfice d’une réconciliation, c’est le message extraordinaire qui nous précède. Cela veut dire que les mains qui s’évitaient, maintenant se rejoignent et se touchent, que le contact est rétabli. Nous devons nous considérer comme justifiés, comme pardonnés. Le mal reste pour nous une possibilité, mais il n’est pas une nécessité. Un nouveau commencement de vie nous est donné.


Ce message heureux se heurte souvent à notre expérience de la culpabilité. Beaucoup parmi nous et autour de nous sont accablés par cette culpabilité. Nous voyons tant de gens qui se sentent constamment jugés par les autres et qui se comportent en fonction de ce sentiment. Ils ont tellement peur de mal faire, de dire ce qu’il ne faut pas. Et nous ne sommes pas exempts de cette préoccupation qui peut devenir lancinante. En fait, ce type de culpabilité, qui consiste à se préoccuper infiniment de sa moralité et à se protéger de tout mal, est un égoïsme. Il nous rend peu disponible pour les autres. Accepter le pardon est la seule manière de surmonter notre culpabilité, d’être décentré de soi pour accéder à l’amour. C’est pourquoi, le message de la réconciliation doit retentir aujourd’hui, afin que nous vivions réellement comme des hommes et des femmes accueillis et justifiés en Christ. Libres du jugement d’autrui et de toute fausse culpabilité, nous n’avons plus besoin de nous attaquer à l’autre. Nous devenons au contraire capables d’amour.

René Blanchet